Génocide arménien : l’offense envers les dieux?

Jean-Varoujan Sirapian,Le Huffington Post 27 Janvier 2012

Jean V. Sirapian est né à Istanbul en 1945. Il étudie les sciences économiques et humaines à l’université américaine de Robert College. Installé en France depuis 1970, il dirige un studio de photographie de 1975 jusqu’en 1995. Il est actuellement le directeur d’une société d’informatique et d’édition multimédia. Observateur engagé de la vie politique française depuis 1976, il participe à des différentes campagnes électorales, locales et nationales. Il a été élu Conseiller municipal d’Alfortville entre 1995 et 2001.

Président de l’ADL France (Organisation Arménienne Démocrate Libérale) de septembre 1999 à septembre 2004, il a occupé le poste du vice-président du CCAF (Conseil de Coordination des organisations Arméniennes de France) entre novembre 2001 et novembre 2002. Il enseigne la communication politique et la géopolitique à l’école internationale d’audiovisuel EICAR, à Paris. Président fondateur de l’Institut Tchobanian en 2004 – un centre de recherche géopolitique sur la Turquie, le Sud-Caucase et le Moyen Orient – il dirige la revue "Europe & Orient"

Jean-Varoujan Sirapian,Le Huffington Post 27 Janvier 2012

Jean V. Sirapian est né à Istanbul en 1945. Il étudie les sciences économiques et humaines à l’université américaine de Robert College. Installé en France depuis 1970, il dirige un studio de photographie de 1975 jusqu’en 1995. Il est actuellement le directeur d’une société d’informatique et d’édition multimédia. Observateur engagé de la vie politique française depuis 1976, il participe à des différentes campagnes électorales, locales et nationales. Il a été élu Conseiller municipal d’Alfortville entre 1995 et 2001.

Président de l’ADL France (Organisation Arménienne Démocrate Libérale) de septembre 1999 à septembre 2004, il a occupé le poste du vice-président du CCAF (Conseil de Coordination des organisations Arméniennes de France) entre novembre 2001 et novembre 2002. Il enseigne la communication politique et la géopolitique à l’école internationale d’audiovisuel EICAR, à Paris. Président fondateur de l’Institut Tchobanian en 2004 – un centre de recherche géopolitique sur la Turquie, le Sud-Caucase et le Moyen Orient – il dirige la revue "Europe & Orient"

Génocide arménien : l’offense envers les dieux?

Click here for English version.

Dans un article publié sur le site du Huffington Post, sous le titre, "Génocide arménien : la pitié dangereuse", Robert Badinter ressasse les arguments maintes fois répétés par les opposants acharnés de la loi qui vient d’être votée par le Sénat, le 23 janvier, après sept heures et demie de débats.

Les mêmes arguments appellent les mêmes réponses que nous essayerons d’apporter ici sur les trois points évoqués par M. Badinter.

I.
Dans la première partie de son article, l’ancien Garde des Sceaux écrit :

"…en dehors de cette fonction thérapeutique, je pense que cette loi n’apportera que des déboires, y compris à la communauté arménienne elle-même."

Et propose un scénario où un fonctionnaire ou publiciste turc interrogé en France nierait l’existence du génocide arménien et de ce fait poursuivi devant la justice.

"La personne poursuivie ne manquera pas de soulever l’inconstitutionnalité de la loi, comme contraire à sa liberté d’opinion et d’expression, par le jeu de la QPC (Question Prioritaire de Constitutionnalité)."

Or à cet argument, Vincent Coussirat-Coustère, agrégé de droit public, a déjà répondu dans un article publié dans Le Monde du 17 janvier dernier :

"Mais la QPC n’est pas faite pour faire respecter toute la Constitution par la loi. Elle se limite à la protection des droits et libertés fondamentales et ne peut donc pas conduire à la censure de la loi de 2001 pour ses possibles inconstitutionnalités sans rapport avec la protection des droits et libertés. La Constitution ne confère au justiciable aucun droit à ce que le Parlement respecte sa compétence législative ou les compétences de l’exécutif. Au surplus, la loi de 2001 n’est que déclamatoire. Aucune raison donc de penser avec Robert Badinter que "la discussion portera […] en premier lieu sur [sa] constitutionnalité"."

Par ailleurs les détracteurs de cette loi n’ont jamais pu répondre à cette question : "En France il y a deux génocides reconnus, la Shoah et le Génocide arménien. La négation du premier est punissable. Serait-il normal que l’autre ne soit pas protégé ?"

II.
Dans la deuxième partie de son article M. Badinter écrit :

"Que le Parlement n’ait pas compétence pour dire l’histoire, tout a été dit excellemment à ce sujet par Pierre Nora et les membres de l’association Liberté pour l’histoire. Seuls les régimes totalitaires acceptent une histoire "officielle" fixée par le pouvoir et imposée par le juge."

Deux réponses à ces deux affirmations fallacieuses, mais entendues à plusieurs reprises lors des débats, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.
D’abord par les votes du 18 décembre et du 23 janvier le Parlement ne "dit pas l’histoire" et l’affirmation de Pierre Nora n’est pas vraie. Ce vote "dicte la loi" et protège les citoyens français (d’origine arménienne, mais pas seulement) vis-à-vis des actions plus ou moins violentes des groupes de jeunes, d’origine turque, ultra-nationalistes dont les opérations sont téléguidées par Ankara.

Ensuite l’argument d’une histoire "officielle". Si on aborde ce sujet il faut dire que l’histoire officielle a été mise en place en Turquie par Mustafa Kemal dans les années 1930-31 et l’Institut qui veille à son application stricte porte le nom de TTK (Türk Tarih Kurumu). A l’instar du Coran, qui ne laisse aucune possibilité d’interprétation de l’Islam, l’histoire officielle turque ne tolère aucune dérive par rapport aux dogmes d’Atatürk et plus particulièrement sur le génocide arménien "qui n’a jamais existé". D’ailleurs pour ceux qui sont attirés par le miroir aux alouettes d’un hypothétique "Comité des historiens" proposé par la Turquie, y compris notre Ministre des Affaires étrangères, il faudra rappeler les mots du PM Erdogan prononcés le 15 décembre dernier : "Aucun historien ne peut trouver la trace d’un génocide dans notre histoire !" Fin de la discussion.

III.
Enfin dans la troisième et dernière partie M. Badinter s’égare quand il écrit : "Cette hubris du Parlement français ne manquera pas d’appeler des réactions contre la France." Hubris mot utilisé par les anciens Grecs, signifiant démesure, outrance dans le comportement, insulte, sentiment violent né de l’orgueil pouvant conduire à la faute majeure : l’offense envers les dieux ! Ouah ! Rien que ça ! En votant cette loi le Parlement français aurait offensé les dieux ? Ceux de l’argent ? M. Badinter met-il la Turquie sur un piédestal digne des dieux ?

"Nous pouvons appeler les autorités turques à revisiter leur histoire comme d’autres états en Europe l’ont fait" écrit-il. Oui, c’est que nous les exilés, (Arméniens, mais aussi Kurdes, Alévis, Assyro-Chaldéens…), à l’extérieur, et des démocrates et progressistes à l’intérieur du pays, essayons de faire depuis des décennies. Non pas dans nos tours d’ivoires et des bureaux feutrés situés dans les quartiers chics de Paris, mais sur le terrain. Cette incitation à revisiter l’histoire pourrait marcher dans un pays normal. Mais un pays qui fait fuir même son prix Nobel de littérature, parce qu’il a osé parler des massacres des Arméniens et des Kurdes, un pays où Hrant Dink, un journaliste et humaniste, qui voulait jeter les ponts entre les deux peuples a été assassiné en plein jour par un nationaliste de 17 ans, manipulé par l’État profond, un pays ou après cinq ans de procès les vrais instigateurs de ce meurtre ont été libérés… ne peut être considéré comme un pays normal.

Et s’il vous plaît ne sortez pas cet argument pitoyable de la possibilité d’une loi qui serait votée par le Parlement turc pour accabler la France et son histoire. La meilleure réponse à cet argument a été donnée par un Algérien qui rappelait au PM Erdogan les trois siècles de domination ottomane féroce (1530-1830) qui a laissé des traces indélébiles.

On peut combattre les thèses négationnistes des individus par des contre-arguments mais face à un négationnisme d’État il n’y a qu’une seule parade : la loi.

The following is an automated Google translation. It’s not ideal but provides the gist of the article.

Armenian genocide: the offense against the gods?

In an article published on the website Huffington Post, entitled "Armenian Genocide: Beware of Pity,"

Robert Badinter rehash arguments repeated many times by fierce opponents of the law just passed by the Senate, January 23, after half past seven debates.

The same arguments call for the same answers we try to provide here on the three points raised by Mr Badinter.

I.
In the first part of his article, the former Minister of Justice wrote:

"… Outside of this therapeutic function, I think this law will only bring setbacks, including the Armenian community itself."

And proposes a scenario where an officer or Turkish public questioned in France would deny the existence of the Armenian genocide and thus continued to court.

"The defendant will not fail to challenge the constitutionality of the law, as contrary to freedom of opinion and expression, by the play of the QPC (Question as to constitutionality)."

Yet this argument, Vincent Coussirat-Coustère, Associate of public law, has already responded in an article published in Le Monde, January 17:

"But the QPC is not meant to enforce the Constitution by any law. It is limited to the protection of fundamental rights and freedoms and can not lead to censorship of the 2001 Act for its possible unconstitutionality unrelated with the protection of rights and freedoms. The Constitution does not give the defendant any right that Parliament meets its legislative or executive powers. Moreover, the 2001 Act is only rhetoric. No reason therefore think with Robert Badinter that "the discussion will focus primarily on […] [its] constitutionality." "

Moreover, the critics of this law have never been able to answer this question: "In France there are two recognized genocide, the Holocaust and the Armenian Genocide. The denial of the first is punishable. Is it normal that the other is not protected? "

II.
In the second part of his article Mr. Badinter writes:

"That Parliament has no jurisdiction to tell the story, everything has been well said on this subject by Pierre Nora and members of the association Freedom for history. Only totalitarian regimes accept an" official "history set by the power and imposed by the judge. "

Two answers to these false claims, but heard several times during the debates, both in the National Assembly and the Senate.
First by the votes of 18 December and 23 January Parliament does "not tell the story" and the assertion of Pierre Nora is not true. This vote "dictates the law" and protect French citizens (of Armenian origin, but not only) vis-à-vis the actions more or less violent youth groups, of Turkish ultra-nationalists whose operations are remote-controlled by Ankara.

Then the argument of an "official" history. If we approach this subject we must say that the official story has been established in Turkey by Mustafa Kemal in the years 1930-1931 and the Institute ensures that its strict application is known as TTK (Türk Tarih Kurumu). Like the Koran, which leaves no room for interpretation of Islam, the Turkish official history does not tolerate any deviation from the tenets of Atatürk and especially on the Armenian genocide "that never was ". Moreover, for those who are attracted by the smoke and mirrors of a hypothetical "Committee of historians’ proposed by Turkey, including our Minister of Foreign Affairs, it will remember the words of PM Erdogan delivered on December 15" No historian can find no trace of genocide in our history! " End of discussion.

III.
Finally in the third and final part of Mr. Badinter errs when he writes: "The hubris of the French Parliament will not fail to call the reactions against France." Hubris word used by the ancient Greeks, meaning excess, extremes in behavior, insulting, violent feeling born of pride can lead to major fault: the insult to the gods! Wow! No less! By passing this law the French Parliament would have offended the gods? Those money? Mr. Badinter put it on a pedestal Turkey worthy of the gods?

"We can call the Turkish authorities to revisit their history as other states in Europe have done," he wrote. Yes, it is we the exiles (Armenians, but also Kurds, Alevis, Assyrians and Chaldeans …), outside, and Democrats and progressives in the country, trying to do for decades . Not in our ivory towers and offices located in felted uptown Paris, but on the ground. This incentive to revisit the story could work in a normal country. But a country that repels even his Nobel Prize for literature, because he dared to mention the massacres of Armenians and Kurds, a country where Hrant Dink, a journalist and humanist, who wanted to build bridges between the two peoples was murdered in broad daylight by a nationalist than 17 years, handled by the deep state, country, or after five years of trial the real instigators of the murder were released … can be considered a normal country.

And please do not leave this pathetic argument of the possibility of a law that would be passed by the Turkish Parliament to crush France and its history. The best answer to this argument was given by an Algerian PM Erdogan reminded the three centuries of Ottoman rule fierce (1530-1830) has left indelible marks.

We can fight the revisionist theories by individuals against-arguments, but faced with a denial of state there is only one parade: the law.

1 comment
  1. Genocide Armenien

    Comment Mr Badinter peut il se permettre a son propre nom de savoir ce qui est bon ou mauvais pour l’Armenie et la Turquie; Les Armeniens attendent depuis bientot 1 siecle la demande de pardon de la Turquie pour le genocide de 1915; tot ou tard l’abces qui empoisonne le peuple Turc parviendras un jour a ce que la Turquie reconnaisse elle meme le genocide perpetrés par leurs aieux ; N’oublions pas que tout les Turcs n’ont pas la haine envers les Armeniens , ce sont seulement quelques illettrés fanatises qui renient les crimes de leurs aieux ; Lorsque la Turquie autorisera la mise en circulation des manuels d’histoires de la Turquie le peuple comprendras vite que pendant 100 ans les gouvernements successifs leurs onr raconter des balivernes ; nous n’auront plus besoin d’oiseaux de malheur comme Mr Badinter pour laisser les peuples vivre en paix et sans rallumer des feux de haine comme lui seul sait les manier

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