



Brièvement, qu’en est-il de ces problèmes ?
1-. Les statuts actuels du Diocèse sont toujours ceux établis à Etchmiadzine datés de septembre 2005, acceptés avec des réticences par les 18 associations fondatrices et déposés à la Préfecture de Police le 19 juillet 2006. Ils comportaient, ils comportent toujours, des défauts et des incohérences manifestes ; le promoteur du projet diocésain -et futur Primat- nous avait promis leur correction dès le diocèse effectivement constitué : quatre ans ont passé… Etait inclus et il l’est toujours le modèle des statuts d’association paroissiale membre, celui que les Niçois sont accusés de ne pas respecter scrupuleusement : la grande majorité sinon la totalité des associations fondatrices ne l’a jamais appliqué intégralement. Un projet de statuts rénovés pour ces associations voté par le Conseil Diocésain en mars 2010 a été bloqué par un veto illégitime et n’a été ni proposé ni communiqué aux Délégués Diocésains contrairement à la très surprenante affirmation du Primat.
2-. Le Guide ("Oughenish") approuvé en novembre 2009 par une assemblée aux ordres constituée aux deux tiers d’évêques impose, malgré les objections que j’ai soulevées, un modèle et un texte identiques pour le monde entier. Aucun article ne concerne le culte, mais sont définis dans le détail l’organisation et le fonctionnement uniformes des communautés de fidèles laïcs, paroisses et diocèses (que ce soit en Irak, en Australie, en Russie, dans les Amériques, en Arménie ou en Europe), sous la direction d’un religieux qui est le Président de l’Assemblée Générale et de tous Conseils ou Comités. Ce Président n’est pas honorifique (pour ceux qui douteraient c’est le même terme que dans "Président de la République d’Arménie "), il est le dirigeant comme l’a martelé énergiquement et publiquement le Véhapar à Paris comme à São Paulo. Toutes les décisions importantes des Assemblées Générales et les élections des associations paroissiales doivent être soumises à l’approbation de leur diocèse. Toute modification de statuts doit être validée par le Saint Siège – la paroisse de Genève a constaté à ses dépends la considération accordée aux votes de son Assemblée Générale par le Véhapar imbu d’absolutisme.
3-. Le Guide et le compte-rendu de la réunion d’Etchmiadzine n’ont été communiqués à ce jour ni à l’Assemblée des Délégués Diocésains, ni au public. Seraient-ils secrets, réservés à un club restreint ? C’est pourquoi sans doute le Primat estime "absolument ahurissant… [qu’]un individu" (c’est moi le pécheur…) ose rédiger ("lui-même" !) et diffuser une proposition de statuts pour examen : je confesse que j’ai incité les fidèles et leurs Délégués à lever la tête et réfléchir au lieu d’approuver automatiquement ce qu’on va leur présenter. Qu’une telle incitation soit scandaleuse au point de "saper les fondements de l’Eglise et détruire l’autorité d’Etchmiadzine", je comprends l’effroi du Primat et l’indignation du Conseil Diocésain !
4-. Concernant la crise de Nice, il est tout de même patent qu’elle a démarré concrètement par les agissements du prêtre et de son entourage en décembre 2009, qu’elle s’est développée jusqu’à la journée funeste du 21 mars 2010 à cause de l’obstination du Saint Siège et du Primat de maintenir ce prêtre en place malgré les avertissements les plus autorisés. Dans l’enchaînement des réactions qui s’en sont suivies, la décision primatiale datée du 19 mai 2010, par son caractère illégal, provocateur et son orientation cléricale accentuée a délibérément écarté toute résolution amiable de la crise. (Je m’abstiens d’évoquer les démêlés du prêtre avec la Justice). Il apparaît que le Saint Siège veut aller jusqu’au bout de l’épreuve de force, tout comme dans l’opération de déstabilisation qu’il récidive à l’encontre cette fois de la communauté de Genève.
5-. Le Conseil Diocésain redécouvre que le Diocèse de France est une Union dont les membres sont les associations paroissiales fondatrices. Mais écrire que chacune de ces associations fondatrices "garde une souveraineté relative" est incorrect ou pour le moins ambigu. Précisons : l’Assemblée Générale est et demeure l’organe souverain de l’association paroissiale, elle définit les objectifs de celle-ci, élit ses organes dirigeants, donne quitus de leur activité, elle seule peut décider les modifications statutaires, de participer à une Union – ce qui, comme tout contrat, entraîne des obligations – ou d’en sortir : sa souveraineté demeure entière. Voilà enfin le fond du débat.
6-. Le clivage, pour reprendre le terme de Jules Mardirossian, n’a rien de religieux, il ne concerne pas le culte mais l’organisation/le fonctionnement des communautés de fidèles laïcs (objet du Guide-"Oughenish", mais objet aussi du Titre IV de la loi du 9 décembre 1905). Ce clivage est entre deux conceptions de notre diocèse – et plus largement de notre Eglise :
– des véritables associations paroissiales de pleine capacité juridique constituent entre elles une Union à laquelle elles confient certaines tâches et concèdent certains droits ; leurs Assemblées Générales sont et demeurent souveraines ("vox populi, vox Dei") ; leurs prêtres sont "Hokevor Hoviv", guides spirituels au service des fidèles,
– les organismes paroissiaux sont les sections locales d’une autorité centrale qui peut accorder certaines délégations mais détient le pouvoir de décision ultime en tout état de cause ; les Assemblées locales ne sont donc pas souveraines ; les fidèles sont au service de l’Eglise identifiée à son clergé.
La réalité que nous percevons est bien sûr plus complexe. Ce schéma simple est brouillé par de nombreux facteurs : problèmes de personnalités, ambitions des uns, difficultés relationnelles des autres, effets incantatoires des traditions multiséculaires, leurres du type "ex officio", visées, plans et projets politiques… Mais c’est ce clivage qui est manifeste dans les dissensions sur le "Oughenish", l’affaire de Genève et celle de Nice. Il faudra bien le regarder en face pour engager la modernisation de l’Eglise Apostolique Arménienne et contrer son dépérissement.